Veille juridique - droit immobilier : l'audit énergétique obligatoire… quèsaco ?

S’inscrivant dans le droit fil de la préoccupation politique générale des pouvoirs publics en matière de sauvegarde de l’environnement - et avec elle d’économies d’énergie, de consommations/dépenses maitrisées et de protection de la santé -, l’audit énergétique est une obligation complémentaire en matière de vente immobilière imposée à certains propriétaires dans un soucis d’information (toujours) majoré des acquéreurs.

Initialement prévue à partir du 1er septembre 2022, en vertu d’une succession de décrets et d’arrêtés (pris par la Première ministre, la ministre de la transition énergétique, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ainsi que son ministre délégué chargé de la ville et du logement) relatifs à l’audit énergétique mentionné à l'article L. 126-28-1 du Code de la construction et de l’habitation, cette nouvelle expertise entre en vigueur… ce jour, 1er avril 2023.

Et, non, ce n’est pas un poisson d’avril !

Les biens immobiliers concernés par un audit énergétique selon un calendrier serré.

L’écologie devenue urgemment un enjeu majeur pour les gouvernements européens, le parlement français a voté à l’été 2021 la Loi Climat et Résilience (loi n°2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets parue au JORF n°0196 du 24 août 2021) dont nous avons déjà eu l’occasion de parler tant elle impacte ou impactera notre quotidien. Ce fut le cas notamment via notre billet « Droit immobilier et de l’environnement : état des risques et pollution des sols, ce qui change à compter du 1er janvier 2023, de l’information des acquéreurs et des locataires d’un bien immobilier ».

En application de ce texte fondamental (précisément son article 158 du Titre V : Se Loger), une disposition nouvelle du Code de la construction et de l'habitation (l’article L126-28-1 sus évoqué) prévoit donc une série de mesures, réglemente un peu plus les conditions de ventes immobilières, certaines d’entre-elles tout au moins.

En l’occurrence cet audit énergétique doit à présent être réalisé avant la mise en vente de maisons individuelles (quelle que soit leur typologie et époque de construction) ou d’immeubles d’habitation non soumis au statut de la copropriété (constitués de plusieurs appartements en mono propriété, appartenant à un seul et même propriétaire) classés en F ou en G au termes du traditionnel (créé en 2006, puis amélioré/renforcé en 2013 et réformé encore au 1er juillet 2021 où il passe du stade informatif à opposable, et ou la méthode de calcul - dénommée 3-CL - se veut plus fiable que la précédente) diagnostic de performance énergétique - connu sous l’acronyme DPE -, qui classe les logements de la lettre A à la lettre G en fonction de leur consommation d'énergie et émissions de gaz à effet de serre, c’est-à-dire sur la base du nombre de kWh d’énergie finale consommés par m² et par an.

Les classements en F et G pour l’instant visés étant en la matière les plus médiocres, correspondants aux habitations les plus énergivores, aux foyers les moins isolées, aux fameux logements dits « passoires thermiques » qui, notamment, ne remplissent pas ou ne rempliront pas - selon leur classement exact de G à E (un calendrier a été fixé en ce sens) - les critères de décences fixés par le loi pour pouvoir louer un appartement ou une maison (nous avons rapidement abordé cette question dans notre billet « Investir dans un appartement en toute connaissance de cause, c’est possible… et judicieux, exemples - aussi concrets que récents - de ventes immobilières de T2, T1 ou studios à l’appui ! », mais nous la développerons dans un prochain article consacré à part entière à ce sujet central, tant pour les propriétaires bailleurs désireux de vendre leur bien immobilier ou continuer à le louer en toute sérénité, que pour les acquéreurs investisseurs, attirés par la pierre).

De facto, le classique DPE doit donc toujours être réalisé ; c’est même lui au final qui va déclencher - ou non - l’audit énergétique, en être le préalable indispensable (le second se surajoute au premier, ne se substitue pas à lui).

                                                  DPE

D’ici moins deux ans, cet audit énergétique - applicable pour pouvoir vendre tout ou partie des deux catégories de bâtiments sus-évoqués - s’appliquera également aux habitations classées en E - dès le 1er janvier 2025 -, puis à horizon 2034 (1er janvier) aux logements classés en D.

Notons que ce planning au long cours vaut pour la métropole puisqu’en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, à La Réunion et à Mayotte, la réalisation de l’audit énergétique deviendra obligatoire « seulement » le 1er juillet 2024 s’agissant des logements étiquetés F ou G, le 1er janvier 2028 pour ceux appartenant à la classe E et, enfin, le 1er janvier 2034, pour les logements classés en D.

L’information contenue dans l’audit énergétique et l’immédiateté de sa délivrance.

Dans une logique d’information maximale des acquéreurs, ce document - dont la durée de validité a été fixée à 5 ans - doit être remis au candidat à l’achat dès la première visite du bien concerné.

Toutes les formes et moyens sont envisageables pour parvenir à sa délivrance : une version papier, bien sûr, remise en main propre le jour J ou une version électronique qui précède le rendez-vous sur site.

A nos yeux cette dernière s’avère idéale car outre le fait qu’elle est plus économique et écologique, elle participe d’une information pleine et entière de l’acquéreur potentiel puisque se déroulant en amont de sa visite… qu’il effectuera donc sans effet de surprise, en toute connaissance de cause.

En toute hypothèse, que ce soit le particulier-propriétaire qui vende directement son bien ou un professionnel mandaté par lui pour le commercialiser efficacement, les devants doivent être pris afin de constituer un dossier de vente complet (sachant, sur ce point, que le rédacteur de l’audit a un mois, suivant sa visite du foncier étudié, pour remettre son rapport au commanditaire de l’audit ; lequel comprend un rapport de synthèse sous forme PDF et un récapitulatif standardisé comportant l’intégralité des données renseignées par l’auditeur et ces calculs).

Cela est d’autant plus vrai qu’à compter de ce jour, l’audit énergétique doit en toute hypothèse être joint à chaque promesse de vente… au même titre que l’ensemble des autres diagnostics obligatoires : le DPE déjà évoqué (et, du reste, source de l’audit énergétique en fonction du résultat obtenu ; voir supra), l’état relatif à la présence de termites, l’état de l’installation intérieure d’électricité, l’état des risques et pollution des sols, l’état de l’installation intérieure de gaz, le constat de risque d'exposition au plomb - CREP - pour les logements construits avant 1949, l’état d’amiante s’agissant des biens dont le permis de construire a été délivré avant juillet 1997, le diagnostic bruit pour les logements situés à une certaine distance/proximité des aéroports, etc.

En revanche, et à l’instar des autres diagnostics précités, la réalisation des travaux recommandés qu’il contient n’est pas juridiquement obligatoire pour conclure la vente.

La contrainte ici n’est/ne sera qu’indirecte pour le propriétaire qui aspire à vendre son bien au meilleur prix. S’il n’engage pas les travaux préconisés, il donne/donnera à l’acquéreur des arguments plus complets en vue d’une éventuelle négociation « rationnelle »… si bien sûr l’évaluation ou estimation du bien concerné n’a pas été pertinente, que le prix de départ demandé ne tient pas compte du montant à budgéter pour réaliser les travaux d’isolations recommandés, ne corresponde pas à la réalité du marché spécifique où se trouve la maison ou l’immeuble à l’instant T de la mise en vente.

L’objectif de l’audit énergétique est, en effet, de renseigner au mieux l’acheteur afin que ce dernier puisse prévoir, soit en mesure d’anticiper et d’apprécier/jauger de façon optimisée, les travaux qu’il devra réaliser s’il veut que son projet d'acquisition soit, in fine, qualitatif (tout au moins d’un point de vue consommation d’énergie, sur un plan écologique et économique).

Dans cette perspective, cet audit réglementaire doit intégrer et proposer entre autres :
                                                                                                            Diagnostic de Performance Energétique
Et qu’il y en est une ou plusieurs, pour chacune des phases du parcours de travaux, l’audit énergétique se doit d’être concret, se présenter comme un véritable outil, un guide tutoriel délivrant plusieurs estimations :
En ce sens, l’audit précise la consommation d’énergie primaire (kWhEP/m²SHAB/an) et d’énergie finale (kWhEF/m²SHAB/an) du bâtiment rapportée à sa surface habitable et par an pour les usages de chauffage, de refroidissement, d’eau chaude sanitaire, d’éclairage et de leurs auxiliaires pris individuellement d’une part et ensemble d’autre part (ces consommations étant estimées avec et sans déduction de la production d’énergie photovoltaïque autoconsommée).

Ce document mentionne aussi, pour l’ensemble des usages ci-dessus répertoriés, les émissions de gaz à effet de serre du bâtiment après travaux rapportée à la surface habitable exprimée en kgCO2/m²SHAB/an et, toujours après travaux, le nouveau classement de performance énergétique du bâtiment ainsi que son classement en gaz à effet de serre au sens du DPE.
Ici, à nos yeux, un écueil apparaît dans la mesure où parmi la succession (évoquée en préambule) d’arrêtés pris en 2022 qui définissent, au sujet de la France métropolitaine, le contenu de l’audit énergétique réglementaire pour l’article L. 126-28-1 du code de la construction et de l’habitation, celui du 4 mai (Journal Officiel n°104 du 5 mai 2022) mentionne que les propositions faites « doivent être compatibles avec les servitudes prévues par le code du patrimoine » (qui concernent principalement la protection des monuments historiques classés ou inscrits, celle des abords de ces monuments, la protection également des sites classés et/ou inscrits, ainsi que celle relative aux sites patrimoniaux remarquables - SPR - et celle concernant le plan de valorisation de l’architecture et du patrimoine, dit PVAP) et - la difficulté est là - « ne pas présenter un coût disproportionné par rapport à la valeur du bien ». 

Or, est-ce que celui qui produit l’audit énergétique, prescrit des travaux d’amélioration technique, connait cette valeur vénale ?

Les personnes habilitées en la matière (voir infra) ne sont en rien des experts en évaluation immobilière recensés près la Cour d’Appel, ni même des agents immobiliers ou des chasseurs immobiliers en capacité d’évaluer - et qui le font du reste régulièrement dans le cadre de leur activité de terrain - à un instant T la valeur marchande d’une maison ou d’un immeuble d’un micro-marché spécifique.

Et quand bien même il en irait différemment - que l’auteur de l’audit soit donc aussi un spécialiste en matière d’avis de valeur immobilière… -, quelle marge de manœuvre peut-il avoir pour que les travaux préconisés soient adaptés (en termes financiers) à la valeur économique du bien ? 

Que la maison individuelle auditée se trouve dans un marché tendu (ratio offre/demande en défaveur de la seconde) car économiquement dynamique, synonyme de facto d’un prix au m2 élevé ou, à l’inverse, que la « même » maison (avec par conséquent un classement énergétique similaire et des travaux à réaliser semblables pour l’améliorer) se situe dans une zone géographique de faible demande, correspondant à un marché atone, tirant inévitablement les prix vers le bas, cet auditeur ne pourra que prescrire des travaux d’amélioration identiques, donc par la force des choses avec un cout budgétaire analogue… alors même que la valeur commerciale du bien s’avère différente.

En réalité, contrairement à ce que fixent normativement les pouvoirs publics, c’est une fois que l’audit est réalisé que la valeur du bien peut être déterminée, plus exactement l’être plus finement - au regard des travaux à envisager - que si cet audit n’est pas produit, car l’évaluateur (le particulier décidant de vendre seul… et surtout un professionnel en mesure de le faire objectivement) peut alors - se doit de le faire - prendre en compte dans son estimation immobilière leur impact financier pour déterminer au plus juste le prix de commercialisation adapté au marché concerné, à un instant donné.

Quoi qu’il en soit de ce hiatus entre la théorie et la pratique (ce n’est juridiquement pas le premier, ni le dernier… tant le réel est complexe, multiple, difficile à encadrer parfaitement dans l’absolu), il convient de noter par ailleurs - et cela constitue une réelle différence avec le DPE traditionnel (qui a néanmoins déjà une vocation informative) - que cet audit doit répertorier et mentionner les aides financières principales susceptibles d’être obtenues, que celles-ci soient nationales ou locales (potentiellement variables, plus ou moins significatives, dans ce dernier cas).

Calculée en fonction des revenus du demandeur et du gain écologique observé à l’issue des travaux, MaPrimeRénov', proposée par FranceRénov’ (service public œuvrant pour la rénovation de l’habitat), illustre ce type d’aide qui a été prorogée et consolidée dans certains cas pour l’année 2023 afin de réduire l’utilisation des énergies fossiles - notamment les plus polluantes que sont le gaz et le fioul - en encourageant les énergies renouvelables.

Qui est habilité à réaliser l’audit énergétique ?

Expertise et déontologie obligent, à l’image des autres diagnostics obligatoires à fournir dans le cadre d’une transaction immobilière, l’audit énergétique doit être réalisé par un professionnel qualifié ayant une assurance à même de couvrir les conséquences d’un engagement de sa responsabilité et n’ayant pas de lien de nature à remettre en cause son impartialité et son indépendance à l’égard du propriétaire qui le sollicite (ou, le cas échéant, du mandataire - fondamentalement un agent immobilier - représentant ledit propriétaire vendeur et expressément diligenté par ce dernier en ce sens).

                                                                                       Audit énergétique

Pour les immeubles à usage d’habitation (et hors copropriété donc) comprenant plusieurs logements les auditeurs habilités sont :
Pour les maisons individuelles peuvent intervenir :
Reste que cette réforme entrant en vigueur aujourd’hui et que le droit - aussi théoriquement et rationnellement pensé in abstracto soit-il - s’avère aussi ce qu’en font les femmes et les hommes sur le terrain, in concreto, au cas par cas, il convient de patienter quelque peu pour appréhender au plus près sa traduction dans les faits et, peut-être, s’attendre à des améliorations/retouches dans les mois et/ou années à venir.

Au demeurant, le législateur lui-même consacre en août 2021, dans son « omnisciente » loi Climat et Résilience précitée, un article 158 X qui contraindra le Gouvernement à remettre au Parlement un bilan d’évaluation de ce dispositif d’obligation de réaliser un audit énergétique pour certains logements (« contrôle » du Pouvoir législatif sur le Pouvoir exécutif prenant la forme d’un rapport remis par le second au premier avant le 1er janvier 2024 afin, alors, d’apprécier les modalités de mise en œuvre de l’extension de l’obligation d’audit aux bâtiments appartenant à la classe E à compter du 1er janvier 2025 et d’un autre rapport similaire établi avant le 1er juillet 2027 appréciant cette fois les modalités de mise en œuvre de l’étendue de cette obligation aux logements étiquetés D à partir du 1er janvier 2034).

E. MASSAT - Chasseur Immobilier Domicilium

Publié le samedi 01 avril 2023