Monument historique : la basilique Saint-Sernin, du haut de ses 945 ans, fait peau neuve ! Un chasseur immobilier à la rencontre de l’Histoire toulousaine.

Symbole et chef d’œuvre de l’art roman que l’on doit au génie et labeur des bâtisseurs de cathédrales, tailleurs de pierres et autres artisans compagnons du devoir dans le bâtiment (si l’on ose se hasarder sur un terrain « comparatif », notre activité de conseiller en projet immobilier et, par « analogie », de chercheurs de pierres invite ici à une seule attitude… la modestie), l’église Saint-Sernin doit son nom au premier évêque de TOULOUSE.

Un peu d’Histoire : de l’Antiquité au Moyen-Age, Saturnin devient Saint-Sernin.

Dans sa quête d’évangélisation, le pape Fabien (évêque de Rome de janvier 236 à janvier 250, il est le 20ième pape de l'Église catholique) décide d’envoyer un de ses hommes d’église en Gaule, nouveau territoire - romain - à conquérir.

On ne connait pas son origine (grecque, romaine ou africaine ?), mais il se prénomme Saturnin et va progressivement se trouver, au milieu du IIIième siècle, à tête de la plus ancienne communauté chrétienne connue de Tolosa.

Au centre de cette Cité, comme dans toute les Cités antiques, se dressait un temple. En l’occurrence le temple du Capitole devant lequel une foule de païens - les habitants de la ville sont alors encore largement polythéiste - interpela Saturnin le 29 novembre de l’an 250 (lui qui se rendait dans sa petite église - à l’emplacement de l’actuelle basilique - pour un office) lui reprochant de perturber les dieux gréco-romains, d’empêcher leurs oracles.

Refusant de renier le christianisme et de participer au sacrifice rituel du taureau - offrande au dieu suprême romain Jupiter -, Saturnin fut attaché à l’animal qui le traina dans les rues de la ville (la rue du Taur trouve son origine dans ce violent événement) et le tua ainsi brutalement.

Quelques décennies plus tard, il devint martyr de l’Église Catholique ; la liturgie le considérant du reste comme un des saints les plus vénérables du catholicisme.

C’est donc en sa mémoire, en son hommage, que la basilique fut dénommée Saint-Sernin (lui dont les reliques sont conservées sous le baldaquin de l’église)… car dans ce passage de l’Antiquité au cœur du Moyen-Age, le langage populaire, l’évolution du latin (sancti saturnini), va le transformer/déformer au fils du temps en Sernin, et donc Saint-Sernin, le patron de la ville.

La Basilique Saint-Sernin souffle ses 945 bougies…

Considérée avec ses 115 mètres de longueur et 64 mètres de largeur au transept (ainsi qu’une voûte pour la nef principale à 21,10 mètres de haut et un clocher octogonal culminant à 67 mètres) comme la plus grande église romane d’Europe et architecturalement la plus harmonieuse, les premières briques (en majeure partie) et pierres de ce remarquable édifice religieux (où œuvrèrent, entre autres, des maîtres de la sculpture médiévale, tel Bernard Gilduin, auteur de ses sept bas-reliefs : un Christ en majesté, deux anges, un séraphin, un chérubin, deux hommes bénissant la basilique) sont posées en 1078 s’accordent à penser une majorité d’historiens spécialistes du Moyen-Age.
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24 ans après, alors que son chœur et transept sont achevés, le pape Urbain II en consacre l’autel.

La puissance insufflée par l’imposant lieu aidant, plusieurs souverains pontifes qui se succéderont par la suite (en particulier Clément VII, Paul V, Urbain V et Pie IV) accorderont à cette église abbatiale de nombreux privilèges, à tel point que ceux qui s’y rendront obtiendront les mêmes indulgences qu'en visitant Saint-Pierre de ROME.

Les rois de France eux-mêmes vénéreront ainsi le lieu comme l’atteste la pieuse visite de François 1er en 1533 qui avait fait le vœu de s’y rendre en pèlerinage si, par la grâce de Dieu, il récupérait sa couronne et recouvrait sa santé, alors qu'il était emprisonné à Madrid en 1525 après la bataille perdue de PAVIE.

                                                          Intérieur de la basilique Saint-Sernin, art roman

Aussi, pour fêter sa naissance, honorer cette longue et prestigieuse épopée étalée sur plusieurs siècles, célébrer ses 945 ans, ce monument historique, figure emblématique de la Ville rose, redore son blason via des - nouveaux - travaux d’envergure.

…occasion de se refaire une beauté, après certains liftings ratés !

En l’espèce, c’est la façade occidentale - dite aussi massif occidental ou « massif antérieur » ou encore « ouvrage ouest » - et les toitures extérieures de cette construction « indépendante » à l’entrée de la nef de l’église (typique en général du premier âge roman, marqueur de l'époque carolingienne) qui sont concernées, conservation de ce majestueux lieu de culte oblige.

Concrètement, les parements de briques vont être nettoyés, certaines pierres de taille remplacées, la toiture, la charpente et les menuiseries rénovées, les corniches, les voussures et les sculptures de la partie supérieure du portail d’entrée restaurées, la grande rosace et sa verrière occidentale renouvelée, repensée (voir infra).

Mais si l’on regarde en arrière, si l’on se remémore l’histoire de l’édifice (les « petites » histoires qui jalonnent la grande), cet important chantier ne porte-t-il pas aussi en germe le risque de futures contestations ?

En effet, plusieurs fois restauré depuis son édification au XIe siècle, ce fut le plus souvent accompagnés de débats au niveau local, national et même international, de diverses querelles sur les choix et réalisations opérées.

Nous ne citerons ici - pour mémoire certes, mais peut-être, qui sait, afin d’anticiper des discussions plus ou moins houleuses à venir… et, ce faisant, mieux les prévenir… ou se prémunir - que la plus illustre des restaurations… et sa remise en cause, celle d’Eugène VIOLLET-LE-DUC.

Faisant suite à un problème d’assainissement de l’imposante construction, ce « lifting » décrié débuta en 1860 avec la reconstruction des toitures de la nef, du transept, du chœur et de l’abside… entouré d’assez virulentes polémiques qui naquirent dès 1874 pour aboutir en 1979 (soit plus d’un siècle après !) à un retour à l’état antérieur…

L’enjeu, en effet, était de savoir s’il fallait remettre sur pied le monument - qui déclinait par endroit en raison d’utilisation de matériaux d’une qualité insuffisante - en conservant les initiatives du célèbre architecte français (auteur du non moins célèbre « Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle », connu surtout, plus largement, pour ses restaurations, entre autres, de Notre Dame de PARIS, de la cité de CARCASSONNE et du MONT SAINT-MICHEL) à l’origine d’éléments architecturaux n’ayant historiquement jamais existés… ou bien redonner à Saint-Sernin son visage initial, la simplicité originelle, donc d’avant 1874.

Les remous et débats passionnés alors engagés conduisirent à un projet de restauration mué par le classicisme, le respect du travail des premiers bâtisseurs.

Orchestré par Yves BOIRET, architecte en chef des Monuments Historiques, cette « dérestauration » - pour le moins très rare… même si son prédécesseur, Sylvain STYM-POPPER, avait déjà ouvert la brèche en réouvrant les cryptes et supprimant un décor néogothique imaginé dès 1852  - conduisit à rendre au toit son authenticité via des lignes saillantes et à revenir aux façades originelles, principalement en recréant les mirandes (détruites en 1860) avec pour conséquence d’éclairer les combles, d’« aérer » les hauteurs de la basilique.

                                                       Eglise Saint-Sernin - Toulouse

Sur le moment, les choix opérés ne manquèrent pas, une fois encore, d’être critiqués par certain (ceux finalement habitués au « modernisme » opéré par VIOLLET-LE-DUC), de susciter reproches et controverses… mais le temps passant, Saint-Sernin retrouva sa quiétude.

Et une cinquantaine d’année plus tard, à l’approche d’une nouvelle mise en beauté, pour l’instant… point de nuages à l’horizon.

Le quartier Saint-Sernin autour de sa basilique : un lieu prisé des toulousaines, toulousains et nombreux visiteurs de la capitale Occitane.

Il faut dire que le projet actuellement en cours de concrétisation bénéficie - en amont - du succès de la « récente » mise en valeur de la place entourant la basilique, tout comme sur la même période une série de restaurations de ses peintures intérieures et des fresques du chevet (ce dernier, en briques et pierres, offrant le point de vue le plus emblématique de la basilique, de jour comme de nuit… tant la basilique, bénéficiant désormais d’un éclairage extrêmement performant, se mue à la tombée du soir en un véritable écrin), de minutieux travaux de maçonnerie et de drainage, ainsi que de la restauration des enfeus et de leurs sarcophages, notamment du plus ornée, dit du comte de l’An Mil (des fouilles archéologique, datation sur les ossements des défunts, etc. mettent en lumière que plusieurs membres de la famille comtale de TOULOUSE, appartenant à la dynastie raymondine, ont été inhumés dès le Moyen-Age à Saint-Sernin).

Basilique Saint-Sernin Toulouse - Chevet de jour







Entre 2017 et 2019 en effet, sous l’égide de l’architecte catalan Joan Busquets, la place Saint-Sernin devient en grande partie piétonnière (18000m2 sont depuis lors dédiés aux piétons), plus arborée et végétalisée (80 arbres ont été plantés et un jardin public est sorti de terre devant le chevet), ce qui ravit dans leur ensemble les toulousaines et les toulousains, au même titre que les embellissements précités de la Basilique les ont séduits.

Il en va ainsi, en premier lieu, des habitants de ce quartier toujours plus prisé et côté qui bénéficie de tous les attraits du charme historique de la ville et, dans le même temps, de l’ensemble des services et commodités recherchés au quotidien : commerces et marchés, services publics, crèches, établissements scolaires (publics et privés, écoles primaires, collèges et lycées), Universités, transports en commun - métro, bus, navette de l’aéroport, VéloToulouse, etc. -, parkings publics, cinéma, restaurants, terrasses de café, etc.

De sorte que le prix au m2 autour de Saint-Sernin et dans les rues adjacences - en particulier la rue du Taur, la rue Bellegarde, la rue Saint-Bernard, la rue des Trois Renards et la rue Henri Beraldi - oscillent entre environ 5000 Euros et 7000 Euros (selon la situation précise de la maison ou de l’appartement concerné, son état, l’orientation principale, son étage, les différentes prestations offertes, etc.)… et l’engouement qui en est la cause - la loi de l’offre et de la demande (sur ce point nodal pour jauger/expliquer la réalité d’un marché immobilier, voir par exemple nos billets : « Acheter un appartement ou une maison à Toulouse, une valeur sure… mais à quel prix au m2 ? » et « Février 2023 : où en est le marché immobilier Toulousain ? Acheter et/ou vendre, agir ou attendre, que faut-il envisager… exemples de transactions à l’appui. ») - ne cesse de croitre.

Place Saint-Sernin Toulouse - Sant Sernin Tolosa   Succès, en second lieu, non démenti par les nombreux touristes parcourant et flânant dans « la Cité des violettes » (5,5 millions en 2019 - avant la période de crise sanitaire - venant du reste de l’hexagone ou bien de l’étranger, dont deux tiers environ de l’Espagne voisine), les pèlerins sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle (la basilique en constituant une étape incontournable pour ceux qui empruntent la via Tolosana, un des quatre chemins français du pèlerinage vers la Galice), les fidèles assistant aux offices ou les simples curieux, visiteurs de ce magistral monument historique.

Preuve à l’appui si besoin était, il est l’un des plus fréquenté de TOULOUSE et de l’Occitanie… et, du reste, la place ovale qui l’entoure - formant en symbiose un environnement architectural à l’harmonie quasi « parfaite » pour nombre de spécialistes de l’urbanisme - fut classée en novembre dernier parmi les cinq finalistes du Prix européen de l’espace public urbain.

                         Toulouse - église Saint-Sernin vue du ciel

Il s’agissait de la 11ième édition de ce prestigieux concours organisé sous l’égide du Centre de culture contemporaine de BARCELONE - le CCCB dont la vocation multidisciplinaire et les décisions sont mondialement reconnues - … où concouraient pas moins de trente-cinq pays (326 autres aménagements urbains étant alors en concurrence, un record pour ce trophée).

A défaut du titre de Miss Europe, celui de Miss France lui revient largement !

Engouement qui devrait-être conforté par la rénovation actuelle d’un édifice cultuel qui se détériorait aussi progressivement qu’inexorablement.

Mais qu’adviendra-t-il lorsque ce joyau de l’art roman médiéval se verra doté, à l’issue d’un concours lancé par la Mairie, d’une nouvelle grande rosace ayant vocation à devenir une verrière de style contemporain ?

                    Rosace de Saint-Sernin à Toulouse

Positionnée sur la façade occidentale de la Basilique, au-dessus de la grande entrée principale (voisine immédiate du musée d’archéologie Saint-Raymond) et de son double portail - l'accès privilégié au sanctuaire -, donc au centre des regards, particulièrement visible du parvis de l’église (aménagé au 17ième siècle sous l’impulsion des Capitouls et de l’abbé Saint-Sernin), l’esthétique de l’ensemble en sera-t-il « bouleversé » ?

                            Eglise Saint-Sernin Avant travaux

Évoquera-t-on comme au 19ième siècle, après les initiatives de VIOLLET-LE-DUC, une dénaturation du monument ou comme après celles de BOIRET au 20ième siècle (lui-même n’échappant pas aux contestations… et d’aucuns alors de qualifier ce lieu de culte de « basilique de la discorde ») une volonté de le désacraliser ?

Sachant que pour le 21ième siècle, qui adore les chiffres - surtout quand il s’agit d’argent -, où la mesure de toute chose relève si souvent d’une logique financière, mercantile, le seul cout de cette opération - à hauteur d’environ 500 000 Euros - devrait suffire à faire parler, jaser, critiquer, désavouer…

A chaque époque et chaque changements/transformations ou simples agencements/évolutions… ses « puristes » et mécontents !

Quoi qu’il en soit de ce futur imposant vitrail, de la dimension créative, artistique, novatrice propre à cet aspect spécifique du vaste chantier à venir (employant pas moins de dix personnes durant approximativement une année), ce dernier in genere devait avoir lieux… à l’unanimité des experts en monuments inscrits au patrimoine historique, des professionnels du bâtiment classé.

Au-delà de positionnements politiques divergents (peut-être artificiellement…), voire d’éventuelles nouvelles querelles idéologiques (à venir), les raisons s’avèrent pour le moins basiques et semble-t-il incontestables : remédier aux dégradations, liées à l’usure du temps, de nombreuses briques, pierres, statues ornementales et diverses sculptures ainsi qu’à une détérioration de la charpente et de la toiture.

                                                   Rosace église Saint-Sernin de Toulouse, murs dégradés

Chiffré à un peu plus deux millions d’Euros (2 124 000 € exactement) - 80% des sommes dues étant à la charge de la municipalité et 20% revenant à la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles) -, ce chantier de maçonnerie, pierre de taille, menuiserie, couverture et ferronnerie débuté en septembre dernier, comme en atteste depuis l’immense échafaudage couvrant la façade et recouvrant la toiture, livrera en principe son verdict courant juillet 2023.

Travaux église Saint-Sernin - échaffaudage

Echafaudage - Travaux basilique Saint-Sernin Toulouse

travaux urbain Toulouse - conservation du patrimoine

Echafaudage Saint-Sernin Toulouse

                              Echafaudage - travaux de rénovation de la Basilique Saint-Sernin à Toulouse

Un site architectural emblématique, vitrine patrimoniale de la ville rose.

Il sera temps alors de répondre aux trois questions précédemment posées…

Mais si la rosace n’est pas esthétiquement au gout de certains (les gouts et les couleurs auraient-ils droit à se discuter en terres gasconnes… ?), ne faudra-t-il pas néanmoins, en toute hypothèses, se réjouir de cette opération de conservation, de réhabilitation et d’embellissement d’un site toulousain emblématique, identité de la ville, de cette église archétype du style roman qui traverse et transcende les époques (gardons en mémoire ce que nous conte STENDHAL dans son « Journal de Voyages » de 1838 : « magnifique église à arcades rondes », Saint-Sernin « est le premier édifice roman qui m’ait donné une profonde sensation de beauté »), figure symbolique quasi millénaire du Midi de la France et du Sud méditerranéen.

Chargé d’une si riche histoire, que l’on soit croyant (et dans l’affirmative quelle que soit sa religion), agnostique ou athée, ce trésor inscrit depuis 1998 au Patrimoine mondial de l’UNESCO (l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture), ce haut lieu de la spiritualité et de la religion chrétienne occidentale à la notoriété internationale, contribue en effet au rayonnement de TOULOUSE en France et même bien au-delà de nos frontières.

Peut-il en être autrement quand le beau confine à l’Universel, côtoie d’aussi près une forme de perfection.

Eglise Saint-Sernin Toulouse illumine le soir - Chevet de nuit

Oui, comme le chante divinement NOUGARO, « l’église Saint-Sernin illumine le soir »…

E. MASSAT - Chasseur Immobilier Domicilium

Publié le mercredi 01 mars 2023